S.MOHAMMED succède à Youssef dans la discrétion, le Maroc tout entier est encore sous le choc de la soumission
d'Abd El Krim. Le jeune sultan entend, cependant, ne concéder aux Français que le minimum de souveraineté.
Si la révolte d'Abd-El-Krim est l'évènement qui provoque le réveil du nationalisme marocain, c'est le "dahir berbère" du 16 mai 1930 qui est à l'origine du mouvement nationaliste marocain de l'entre deux-guerres. Le jeune souverain qui signe ce dahir, ne prend d'ailleurs pas immédiatement la mesure de ce que ce dahir représentera pour la nation marocaine.
De nos jours, ce dahir divise encore les communautés berbères et arabes marocaines, certains berbérophones n'hésitant pas à dire que l'exploitation politique du dahir a fait beaucoup de mal à la cause amazighe pendant plusieurs décennies.
Dès 1914, Lyautey avait souhaité respecter les coutumes berbères dans les tribus pacifiées, et avait initié le dahir du 11 septembre 1914 qui prescrivait le respect des coutumes berbères dans ces tribus.
Les djemaa judiciaires, organes d'arbitrage traditionnel, étaient devenues de véritables juridictions en 1915.
Le dahir du 16 mai 1930 que signe le jeune sultan Sidi Mohammed va plus loin,
puisque il crée des tribunaux coutumiers de 1ère instance et des tribunaux coutumiers d'appel, mais au-delà c'est son article 6 qui provoque la colère des musulmans.
Par cet article, il est stipulé que "pour la répression des crimes commis en pays Berbère, les juridictions françaises seraient compétentes , quelque soit la condition de l'auteur."
Les deux composantes de la nation marocaine sont ainsi séparées, et les Berbères
soustraits au droit coranique et au pouvoir du sultan qui ne peut plus exercer la "charia". La propagande catholique des Franciscains est montrée du doigt et suspectée de vouloir christianiser les Berbères.
La campagne contre le dahir berbère a des répercussions un peu partout dans le
monde. Par l'intermédiaire des mosquées, elle gagne à partir de Fès et Salé, toutes les villes du Maroc.
Le dahir berbère du 16 mai 1930 est en partie abrogé par le dahir du 8 avril 1934,
qui confie aux pachas et aux caïds les jugements des délits mineurs et au Haut Tribunal Chérifien les délits et crimes les plus importants. Mais désormais, le nationalisme Marocain est né.
La visite du sultan à Fès et Moulay Idris provoque une émeute anti-française. Des
revues nationalistes telles que "l'Action du peuple" sont interdites par les Français.
Dans la mouvance des partis nationalistes créés en Tunisie et Algérie, dix jeunes intellectuels fondent une association qui prend le nom de "Action Marocaine", de fait le premier parti politique du Maroc. Ses principaux dirigeants et instigateurs sont: Mohammed el-Ouazzani, Hadj Ahmed Balafredj et Allal el-Fassi.
Dans le programme de l'Action Marocaine, on ne revendique pas encore l'indépendance, mais on dénonçe la politique raciale, fiscale et colonisatrice du protectorat et on exige l'égalité entre Français et
Marocains et le strict respect du traité de protectorat.
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